Auteure : Yolande Allard
Les sujets de l’ensemble des vitraux de l’église Saint-Frédéric ont été déterminés par l’architecte Louis-Napoléon Audet à qui l’on a confié, en 1922, la construction de la quatrième église du même nom. En ce qui concerne la verrière du choeur, Audet s’est plié à la tradition d’installer, au-dessus du maître-autel, la vie du saint patron de l’église qu’il a déclinée en trois scènes : L’image triomphante de saint Frédéric qui prend place dans un trèfle à quatre feuilles, alors que dans les baies ogivales sont représentés à gauche, Le martyr de saint Frédéric, et à droite, Saint Frédéric menaçant d’excommunier l’impératrice Judith de Bavière.
En 1929, le conseil de fabrique confie la réalisation de la verrière du chœur au maître-verrier français Guillaume-Ernest Pellus qui s’était fait connaître auprès de la clientèle religieuse alors qu’il travaillait avec Guido Nincheri au décor peint de l’église Notre-Dame-de-Grâce de Montréal.
C’est la scène du martyr de saint Frédéric que nous observons sur la photo ci-contre. Selon les biographes, saint Frédéric, évêque d’Utrecht, fut poignardé au pied de l’autel en 838. Le maître-verrier Pellus a plutôt dessiné une décapitation, mais il s’est appliqué à bien muscler le bourreau et à revêtir l’évêque de ses habits sacerdotaux. Le talent de Pellus se vérifie également dans le dessin du torse robuste du bourreau et dans celui des mains de saint Frédéric. Leurs rendus indiquent, selon l’historienne de l’art Ginette Laroche, que Pellus a certainement eu recours à un modèle vivant.
D’ailleurs, souvent les maîtres-verriers introduisaient dans le vitrail le portrait du commanditaire. En comparant la tête de saint Frédéric à différents portraits du chanoine Georges Mélançon, madame Laroche a relevé certaines similitudes telles : le front haut, la fossette dans le menton, le dessin des lèvres, le nez et l’arcade sourcilière. La forme des oreilles est toutefois différente, selon l’experte; de plus, le chanoine n’a jamais eu les pommettes saillantes. Dès lors, soit Pellus a utilisé un autre modèle, soit il a «bricolé» le portrait du curé Mélançon de manière à masquer sa source.
Le chanoine Georges Melançon était âgé de 34 ans seulement lorsqu’il a pris la charge de Saint-Frédéric, la plus populeuse paroisse du diocèse de Nicolet. Pour des raisons d’ordre matériel surtout, la tâche était extrêmement difficile. Et pour comble de malheur, l’année suivante, soit le 25 décembre 1921, l’église paroissiale était entièrement détruite par le feu. Ses contemporains ont souligné à de nombreuses occasions son tact jamais en défaut, sa bienveillance et son dévouement. Lorsqu’il quitte Drummondville, en juillet 1940, à quelques semaines d’être sacré évêque de Chicoutimi, non seulement l’église était reconstruite, mais les difficultés pécuniaires étaient aplanies permettant de détacher de Saint-Frédéric trois nouvelles paroisses : Saint-Joseph, Saint-Simon et Sainte-Thérèse.