Les élans de générosité qui surviennent souvent durant la période des Fêtes ont gagné le coeur des détenus de l’Établissement Drummond. Solidaires aux démunis qui fréquentent la Tablée populaire, les prisonniers ont amassé six gros sacs de provisions qui ont été remis à l’organisme, et ce, à même les petits profits que génère leur cantine.
Malgré la nostalgie de certains, l’esprit de Noël est bien vivant au sein de l’Établissement Drummond. C’est du moins l’objectif des nombreuses activités qui y sont présentées.
Récemment, une fête communautaire a donné rendez-vous à près de 400 proches des détenus. Avec leurs guirlandes et leur chapeau, des bénévoles en zoothérapie ont souligné avec les prisonniers cette période spéciale de l’année. D’autres volontaires issus des fraternités Alcooliques Anonymes et Narcotiques Anonymes en ont profité pour échanger avec ces derniers.
Pour répondre aux diverses croyances que partagent les détenus, les groupes religieux sont également les bienvenus. Qu’ils soient juifs, musulmans, chrétiens ou bouddhistes, tous ont droit à leur religion.
Mais c’est la messe catholique du 24 décembre qui s’avère la plus populaire, où les talents musicaux des prisonniers sont mis à contribution, en chant comme en musique. Une façon de décompresser.
Il faut dire qu’à Noël, comme à toutes les semaines, la chapelle du pénitencier fait salle comble. «On psalmodie le psaume comme dans un monastère. On sépare le groupe en deux et chacun chante à tour de rôle… et les détenus ne faussent pas tant que ça!», exprime l’aumônier Ronald Beaulne.
Au début, les réactions étaient plutôt rudes. «Ostie, on n’est pas des moines», lui répliquaient-ils. Mais derrière ces façades de dur, se cachent souvent des cœurs sensibles. M. Beaulne est bien placé pour en témoigner, lui qui écoute les confidences dans l’intimité de son bureau. «Les détenus s’essuient souvent les yeux avant de sortir», rapporte-t-il.
Durant la période des Fêtes, l’aumônier constate que certains ont le cœur à la fête alors que d’autres sont tristes ou inquiets. Surtout parce qu’ils sont loin des leurs.
Le détenu Jean-François Bessette parle de M. Beaulne comme du prix Nobel de la patience.
Cet homme de 32 ans préfère ne pas avoir de visite à Noël. «Ça me rend trop émotif. Une fois que mes proches sont partis, ça prend du temps à m’en remettre», constate-t-il.
Pourtant, sa copine attend sa sortie, qui approche maintenant à grands pas, depuis maintenant trois ans.
À l’occasion des Fêtes, il préfère être entouré de son cercle de connaissances qu’il a développées en milieu carcéral. «Ici, ce n’est pas terne et gris, est-il d’avis. C’est sûr qu’on reste des détenus. Il y a des "bad boys" et des rebelles. Certains vont prendre de l’alcool ou de la drogue – et même en abuser – mais en général, ça se passe bien», relate cet artiste dans l’âme.
En prison, ce dernier se défonce dans l’activité physique. «Je suis un hyperactif et ma dope, c’est le sport!», s’exclame celui qui dit ne pas avoir eu besoin de suivi psychologique.
M. Bessette s’apprête donc à vivre son dernier Noël "en dedans", comme il dit, parce que les jours avant sa remise en liberté sont comptés.
Questionné à savoir s’il est nerveux, ce dernier répond par la négative. «Je suis prêt. Je sais où je m’en vais. J’ai employé mon temps constructivement en prison. J’ai terminé mon secondaire 5. Je suis déjà inscrit à un cours en construction. Je vais retrouver mes proches. Ma famille m’a sauvé», avance-t-il.
Ses séjours intermittents en centre jeunesse et au pénitencier sont parvenus à le transformer. «J’ai arrêté de juger les gens au premier regard. J’ai appris à voir au-delà des apparences», communique-t-il.
Un peu à l’image de l’homélie que prépare Ronald Beaulne pour la messe du 24 décembre. «La fête de Noël, c’est la célébration du divin qui s’est fait humain», évoque-t-il.
Le temps des Fêtes reste donc une occasion privilégiée pour mettre ces valeurs à l’honneur … même en prison.