Après que L’Express a soulevé l’existence, en janvier 2009, d’un réseau organisé de travail au noir chez des immigrants de la région, l’équipe d’Enquête de Radio-Canada a consacré son émission complète, la semaine dernière, au phénomène. Loin d’être marginales, ces activités illicites seraient responsables de pertes fiscales annuelles évaluées à 50 millions $, et ce, au Québec seulement.
S’intitulant «La jungle des agences de placement», cette émission a permis à deux collaborateurs provenant de la Colombie et du Chili de s’infiltrer dans le monde secret des nombreuses agences de placement frauduleuses au Québec, qui embauchent massivement au noir des immigrants d’origine latino-américaine.
Cette main-d’œuvre vulnérable, qui parle principalement espagnole, est envoyée dans les entreprises qui ont besoin de travailleurs temporaires.
Pour illustrer l’ampleur du phénomène, les agences de placement du Québec sont passées de 900 à 1600 en l’espace de 15 ans. Bon nombre d’entre elles fonctionnent dans la légalité, mais force est de constater que d’autres ont su utiliser à leurs avantages les failles du système.
On vient les chercher en autobus
Comme le personnel embauché ne possède habituellement pas de véhicule, des voyages organisés en fourgonnette ou en autobus permettent d’assurer le transport à destination.
Intégré dans l’entreprise, l’employé temporaire effectue le même travail que les travailleurs permanents, sauf qu’il est payé directement par l’agence qui l’a recruté… en dessous de la table, et la plupart du temps en bas du salaire minimum.
Questionnés par l’équipe d’Enquête, des dirigeants d’entreprises qui transigeaient avec ces agences disaient ne pas être au courant du traitement des employés temporaires.
La loi stipule en effet qu’il revient aux agences de placement de s’assurer de la légalité des conditions d’emploi, elles qui sont considérées comme étant les véritables employeurs.
Or, il n’est pas rare que les agences frauduleuses disparaissent sans laisser de trace, pour relancer leurs activités illicites sous un nouveau nom de compagnie.
Le reportage ne manque pas de dénoncer les conditions peu enviables auxquelles sont soumis les travailleurs sans défense issus de l’immigration. Ces derniers feraient l’objet d’exploitation. Selon les confidences recueillies, certains préfèreraient d’ailleurs travailler légalement s’ils savaient parler français.
D’un autre côté, un enquêteur chez Revenus Québec rapporte que les employés au noir qui ne déclarent pas leurs revenus gagnés en dessous de la table sont souvent des personnes à faibles revenus qui peuvent aussi réclamer des versements en provenance des programmes sociaux, comme l’aide sociale.
Pour visionner le reportage en question, il suffit de consulter l’adresse Internet suivante : www.radio-canada.ca/emissions/enquete/2010-2011.
Soulignons qu’au début de leurs recherches portant sur le sujet, la journaliste et le réalisateur de cette émission avaient communiqué avec l’auteure de ces lignes afin d’alimenter leur reportage.