Auteur : Jean-Pierre Bélanger, historien
Bien avant la fondation du Festival mondial de Folklore (aujourd’hui le Mondial des Cultures) en 1982, de nombreuses troupes se sont illustrées à Drummondville. L’année 1928 constitue l’acte de naissance du folklore dans la localité, alors que la troupe «Chautauqua», en tournée canadienne, s’arrête pendant trois jours à Drummondville. Malgré un répertoire varié composé de chants et de mélodies européens, de musique classique et de comédies, son séjour ne fait pas l’unanimité. Ainsi, dans une période encore trop marquée par une certaine xénophobie, un citoyen de la région dénonce, dans une lettre ouverte à La Parole, ce genre de spectacles dispensés par des étrangers non catholiques… Heureusement, cette méfiance n’est pas partagée par l’ensemble de la population, à commencer par un groupe de notables locaux formé de Walter Moisan, de Napoléon Garceau, de Ben Prince, de N.G. Glattfelter et A.W. Knight, qui organise le retour du groupe dès l’année suivante, puis en 1931.
Par la suite, on assiste à une certaine accalmie jusqu’en 1944, quand le Septuor Blaquière, formé d’un père et de ses six enfants, s’exécute à la salle paroissiale de Saint-Joseph. Mais l’impulsion est lancée, et à la suite de la renaissance de l’Ordre du Bon Temps à Montréal en 1946 (dont une première mouture a été fondée par Champlain à l’époque de la Nouvelle-France), cette troupe effectue des passages épisodiques à Drummondville dès le mois d’août de l’année suivante. Une section locale de l’Ordre voit même le jour peu après à l’initiative de Rita Lafond, Mariette Hamel, Thérèse Ringuet et Laurette Malouin. Par la suite, le mouvement s’accélère et de nombreuses troupes viennent effectuer des prestations : les Cosaques du Don, les danseurs Zinaïde et Nikolaï Lashkabanoff, le «roi des violoneux» Isidore Soucy…
Le mouvement s’essouffle dans les années 1950, alors que, reflet du conservatisme ambiant, un mandement de l’évêque du Diocèse interdit les danses de toutes sortes. Mais l’effervescence culturelle de la Révolution tranquille vient vite à bout de ces réticences, alors que de nouveaux «Cosaques du Don», Lola Montes et sa troupe de danseurs espagnols, la troupe des Abénaquis d’Odanak et les Feux Follets sont à leur tour actifs à Drummondville.
Au niveau local, et déjà en 1959, des étudiants inspirés par la vague nationaliste de l’époque, fondent « Les Copains du Sourire » dans le but de promouvoir le patrimoine folklorique québécois. Dispensant des ateliers d’animation folklorique, ceux-ci disparaissent en 1963. Ses anciens membres donnent ensuite naissance aux « Forains », dirigés tour à tour par Diane Descôteaux, puis par Normand Jutras. Dépourvus de local stable pour pratiquer jusqu’à l’ouverture du Centre culturel en 1967, les Forains, non seulement organisent des cours de danse folklorique, mais participent à plusieurs spectacles dans la région, et se rendent même jusqu’à Amos en Abitibi ! Des pionnières comme Pierrette Lachance et Louise Swiben dispensent aussi de tels cours.
Mais le véritable élan sera donné dans les années 1970, avec la formation de la troupe Tovarich. Dirigée par Marcel Jutras, celle-ci, qui dispose d’un répertoire varié formé de danses québécoises, allemandes, grecques, bulgares, hongroises, israéliennes et polonaises, donne un spectacle annuel au Centre culturel qui est toujours très prisé des amateurs du genre. Elle se spécialise notamment dans l’animation de soirées bavaroises. Suivra la troupe « L’Alunelul » d’Acton Vale en 1973 qui déclinera toutefois à partir de l’année suivante. Après une première tentative de fusion avortée à l’été 1974, les deux groupes, conscients qu’il était de plus en plus difficile de cohabiter sur le même territoire et de se partager un même bassin de danseurs potentiels, unissent finalement leurs forces en septembre. Cette fusion donne naissance à l’Ensemble Folklorique Mackinaw (dont le nom s’inspire d’un vêtement traditionnel québécois). Après s’être partagé le répertoire des deux anciens groupes, le nouvel ensemble se forge ensuite une identité propre. Patricia Rousseau, de retour d’un stage aux Etats-Unis en janvier 1975, invite alors les célèbres danseurs hongrois Kalman et Judith Magyar, à venir enseigner une suite gitane aux membres. De cette collaboration, sera issu le premier véritable spectacle de la troupe au Centre culturel le 5 avril 1975. À partir des nouvelles chorégraphies, l’Ensemble folklorique Mackinaw décidera dès lors de se spécialiser dans le folklore hongrois, avant de connaître une première consécration nationale en participant le 26 juin suivant, au festival hongrois « Pontozzo » à Toronto. C’est sur ces premiers balbutiements que naîtra le Festival de Folklore, puis le Mondial des Cultures, à partir de 1982. Mais cela, c’est déjà une autre histoire…
Sources :
-Micheline Martin. Le divertissement et l’épanouissement du folklore à Drummondville (1930-1984). -Drummondville, Société historique du Centre du Québec, 1984. -La Parole, 1928-1982.
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