L’inventeur de la poutine, Jean-Paul Roy, aura laissé sa trace à Drummondville, mais aussi aux quatre coins du pays, et plus loin encore, depuis la popularité croissante de ce mets typiquement québécois. Sa création vient d’être immortalisée avec le Québec-opoly, un nouveau jeu de société qui, mettant à l’honneur les deux restaurants les plus symboliques de la province, a ciblé le Schwartz’s… et Le Roy Jucep!
Les «droits d’auteur» de la célèbre poutine sont toujours controversés, mais quelque 40 ans après sa mise en marché, Jean-Paul Roy se choque encore quand il s’agit de partager le crédit de cette «invention» avec un ancien restaurateur de Warwick, Fernand Lachance.
C’est que la franchise fait partie des valeurs fondamentales de cet homme attachant, au franc-parler. «À Warwick, il paraît qu’ils servaient des frites avec du fromage, mais qu’est-ce qui donne vraiment le goût de la poutine?, a-t-il demandé. C’est la sauce!»
Et la fameuse sauce du Jucep, M. Roy l’a concoctée à partir de maintes recettes artisanales, inspirée de son expérience comme cuisinier à l’hôtel Mont-Royal de Montréal.
Au sein de cette luxueuse salle à manger, il a eu l’occasion de côtoyer 115 cuisiniers, dont les plus grands sauciers du Québec, avant de s’installer à Drummondville pour y démarrer, dans les années 50, le casse-croûte Le Roi de la patate, jadis situé sur la rue Lindsay.
Les fameuses frites maison, faites avec des patates provenant des provinces maritimes et épluchées à même ce restaurant, auront vite fait de contribuer à sa renommée, sans parler de la sauce spéciale qui servait d’accompagnement. «Il y avait des files de clients à perte de vue. Je ne pouvais pas vendre les patates très cher, mais je me disais que je pouvais augmenter mon volume», se souvient celui qui s’est fait un plaisir, voire un honneur, de servir le monde ordinaire.
Les serveuses ont d’ailleurs agi comme une grande force de marketing puisque cet homme d’affaires les encourageait constamment à suggérer aux gens le plat «patate-sauce» qui, parfois, était dégusté avec un sac de fromage en grains.
En compagnie de celle qui est devenue sa collaboratrice de premier plan, son épouse Fernande Michaud, M. Roy a ensuite acheté et transformé, en 1964, un restaurant du boulevard Saint-Joseph, qui porte encore aujourd’hui le nom Le Roy Jucep.
C’est à cet endroit qu’a été servie la toute première poutine, le nom officiel donné au mets qui s’était graduellement transformé en «fromage-patate-sauce», une appellation qui devenait plutôt compliquée à prononcer.
Explosion de popularité
Par la suite, pour évoquer la forte explosion de la poutine, les chiffres parlent d’eux-mêmes. «Au début, on commandait 400 poches de patates par année et ce nombre est passé à 7800, a ajouté M. Roy. Ça aussi été très bon pour l’industrie du fromage!»
Pour Le Roy Jucep, cette période de prospérité coïncidait aussi avec le populaire service à l’auto, où grand nombre de jeunes s’y donnaient rendez-vous. «C’est pas compliqué, c’était LA place en ville!, s’est-il commémoré. Plusieurs couples mariés nous ont dit s’être rencontrés ici. Avec la création de l’autoroute 55, des gens de partout venaient goûter à notre poutine.»
Pour celui qui n’a jamais compté ses heures travaillées et qui a vu son équipe croître jusqu’à 44 employés, au moment où il a dû vendre son commerce, il y a une vingtaine d’années, en raison de problèmes de santé, le public lui a apporté son lot d’instructions et de divertissements… ayant quelques histoires salées à raconter.
Le présent propriétaire du Roy Jucep, Daniel Leblanc, se dit des plus reconnaissants d’avoir aussi reçu en héritage l’historique de ce restaurant, qu’il qualifie de véritable institution. «Encore aujourd’hui, malgré un menu plus élaboré, la moitié de ce qui sort de la cuisine, c’est encore de la poutine!», a noté M. Leblanc.
De son côté, questionné à propos de son coup de cœur parmi la variété de poutines maintenant commercialisées sur le marché, M. Roy n’hésite pas deux secondes. «La poutine traditionnelle est ma préférée», a commenté celui qui est fièrement resté fidèle à ce qu’il est : la simplicité incarnée.