Une réflexion citoyenne sur la pratique sage-femme

Une réflexion citoyenne sur  la pratique sage-femme
(Photo : Josyane Cloutier)

À l’aube du vingtième anniversaire de la légalisation de la pratique sage-femme au Québec, le groupe Mouvement pour l’autonomie dans la maternité et pour un accouchement naturel (MAMAN) s’est donné une mission : évaluer si ce service correspond toujours aux besoins des familles.

Des consultations citoyennes se tiennent un peu partout dans la province jusqu’à la fin février afin de faire un bilan primaire du service sage-femme. À Drummondville, c’était samedi matin, au café Olistik, qu’une dizaine de personnes se sont rencontrées pour en discuter.

«Aujourd’hui, est-ce que le service correspond toujours à nos besoins ? Il y a lieu de se poser des questions. L’objectif des consultations est d’aller collecter des données, qui vont être acheminées au CIUSSS. Nous souhaitons faire partie du processus d’amélioration continue du service sage-femme en tant que citoyennes», détaille Ariane Michaud-Duhamel, une jeune mère impliquée dans le conseil d’administration du groupe MAMAN. L’idée-clé de ces consultations, selon elle, est la réappropriation de la grossesse et de l’accouchement par les femmes et leurs familles.

Ce qui ressort pour Drummondville jusqu’à maintenant ? Plusieurs mamans aimeraient avoir accès à une chambre de naissance à Drummondville. «Une chambre de naissance est un peu l’équivalent d’une maison de naissance, version mini. C’est spécifique à Drummondville, puisque c’est un point de service qu’il y a ici, et que la maison de naissance la plus proche est à Nicolet. Plusieurs futures mères se sentent limitées dans leurs choix à cause de cela», explique-t-elle.

Des recommandations devraient être transmises au CIUSSS-MCQ dès le mois d’avril. «Nous espérons qu’à la suite de nos consultations publiques, les services sages-femmes et le ministère s’organiseront pour effectuer les changements qui s’imposent. Tous doivent se souvenir que c’est un service qui a été élaboré pour la population. Nous voulons être écoutées.»

Précisons que la Politique de périnatalité du ministère de la Santé et des Services sociaux, mise en place en 2008 et fixant des objectifs pour la pratique sage-femme, prend fin en 2018. Si cette politique prévoyait que 10 % des femmes devraient avoir accès aux services sages-femmes en 2018, seulement un peu plus de 3 % d’entre elles peuvent y faire appel.

De nombreux enjeux

Actuellement, un des enjeux centraux est le manque de visibilité de la pratique d’après Kate Petitclerc, accompagnante à la naissance et elle aussi impliquée dans le groupe MAMAN. «Plusieurs femmes ne sont même pas au courant que cela existe et généralement, ce n’est même pas mentionné lors de rendez-vous médicaux chez le médecin ou au CLSC. Il y a clairement une lacune de ce côté», affirme la jeune maman.

C’est aussi l’avis de Valéry Beauregard, participante à la consultation et mère de trois enfants. Elle a accouché deux fois en centre hospitalier et la dernière fois, en maison de naissance. «Je pense qu’ils devraient plus informer les femmes d’emblée sur le service sage-femme plutôt que d’attendre qu’elles posent des questions. Il y a encore du travail à faire», estime-t-elle.

Kate Petitclerc et Ariane Michaud-Duhamel, accompagnées de leurs deux charmants poupons

Kate Petitclerc et Ariane Michaud-Duhamel déplorent d’une même voix que souvent, les femmes enceintes vont se tourner davantage vers les sages-femmes après une mauvaise expérience en centre hospitalier.

«Les gynécologues et les médecins de famille en ont plein le pompon, et si ça se trouve, le suivi sage-femme pourrait contribuer à alléger notre système de santé engorgé. La majorité des femmes ont une belle grossesse, sans risque, et j’ai l’impression qu’elles ont moins de choix qu’elles devraient», exprime Mme Petitclerc d’un ton convaincu.

D’ailleurs, le Regroupement des sages-femmes du Québec (RSFQ) dévoile que «les actes obstétricaux demeurent les deuxièmes actes médicaux les plus fréquents dans les installations de soins généraux et spécialisés.»

De plus, manque d’informations égale souvent préjugés. Et les idées préconçues lorsqu’on parle des sages-femmes ont la couenne dure, d’après les deux organisatrices.

«Les gens ont tendance à voir le service avec de vieilles lunettes, et considèrent souvent que ce n’est pas aussi sécuritaire ou encadré qu’un suivi à l’hôpital», soupire Ariane Michaud-Duhamel.

Une autre préoccupation : le nombre peu élevé de sages-femmes qui obtiennent leur diplôme chaque année. «C’est un baccalauréat de quatre ans très exigeant et qui fonctionne par préceptorat. Sauf qu’il y a un manque criant de préceptrices», dévoile cette dernière.

La situation est toutefois plus positive qu’il y a quelques années. «C’est une profession encore extrêmement jeune, et il y a un travail continu à réaliser à cet égard. C’est certain que cela prend du temps. C’est long, mais il y a du progrès», nuance Ariane Michaud-Duhamel.

 

NDLR: Pour ceux et celles qui voudraient se prononcer sur cette question, le groupe MAMAN a mis sur pied un sondage.

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