Des obstacles bien réels à l’intégration sociale des immigrants

Photo de Cynthia Martel
Par Cynthia Martel
Des obstacles bien réels à l’intégration sociale des immigrants
Pierre Langis, membres du conseil d’administration du RID et responsable de la consultation. (Photo : Cynthia Giguère-Martel)

IMMIGRATION. Le rapport de la consultation sur la valorisation de la diversité et la lutte contre la discrimination, déposé récemment par le Regroupement interculturel de Drummondville (RID) met en lumière moults problématiques, souvent de notoriété publique, mais dont on ne soupçonnait pas l’ampleur.

Cette consultation initiée par le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) s’est déroulée d’octobre à novembre 2017 auprès de différents groupes et individus touchés directement par la réalité de l’immigration dans la MRC de Drummond. Au total, 97 personnes y ont participé. Bien que plusieurs immigrants/réfugiés affirment garder un souvenir «poignant» de l’accueil et qu’ils se sentent en général considérés, il n’en demeure pas moins qu’ils soulèvent de nombreux obstacles à l’intégration.

D’abord, la non-reconnaissance des compétences cause bien des maux de tête aux immigrants qualifiés. Plusieurs se voient refuser des emplois ou offrir des tâches de plus bas niveau. Ils finissent souvent par se résigner à des formations et à une sous-qualification dans leur domaine.

«Il y a même certaines personnes qui sont bloquées à cause de leur nom, fait savoir Pierre Langis, membres du conseil d’administration du RID et responsable de la consultation. Devant tout ça, certains désespèrent et retournent dans leur pays. Ils se sentent considérés comme des gens qui viennent du « Tiers monde ». C’est dommage, surtout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. On entend des Québécois dire que les immigrants volent leur job, mais ce n’est pas tout à fait vrai, il en manque du monde.»

On y révèle néanmoins que les entreprises, sauf exception, sont satisfaites de la présence des travailleurs immigrants et qu’elles se montrent des plus créatives pour les intégrer et assurer la francisation.

Quant à la francisation, elle recèle un certain nombre de défauts rapportés par les participants, dont les délais trop longs avant l’admission à un cours, des groupes trop hétéroclites où se côtoient des personnes de niveaux très différents et les cours devenant inaccessibles lors de l’obtention d’un emploi.

«Ce n’est pas fait pour tout le monde les cours. Plusieurs ont relevé que l’apprentissage se faisait plutôt mieux en milieu de travail, car c’est plus imagé, plus concret», indique M. Langis.

Qui plus est, la question du logement pose certains problèmes relevant surtout de la méconnaissance. De fait, à leur arrivée, les immigrants n’ont pas trop le temps d’explorer et de choisir un logement qui leur convient vraiment, ce qui engendre des mécontentements après coup parce qu’ils ne peuvent pas résilier leur bail sans encourir de pénalité. L’autre problème rencontré par les intervenantes de l’Office municipal d’habitation réside dans la difficulté de trouver de grands appartements correspondant aux besoins des familles nombreuses. «Or, la demande de tels loyers à prix modique force la concentration des gens dans le même quartier, ce qui crée un risque de ghettoïsation à l’origine d’autres problèmes», note-t-on dans le rapport.

D’autre part, les participants ont soulevé qu’ils se font constamment questionnés sur leurs mœurs, coutumes et allégeances religieuses, ce qui peut devenir «agaçant». Tous s’entendent pour dire que la méconnaissance de l’autre et la peur de l’inconnu alimentent les préjugés et les malaises.

Par ailleurs, certains nouveaux arrivants ont un manque de volonté d’intégration dû à la difficulté à demander de l’aide et au deuil à faire du pays natal. On y relève aussi l’absence de suivi psychologique.

Quant à la discrimination, elle se profile ici et là, mais elle affecte apparemment moins les réfugiés que les immigrants qualifiés qui se butent à des obstacles de taille avant de se trouver une niche convenable au Québec.

Le problème du transport indispose grandement les immigrants. «C’est ce qui frustre d’ailleurs le plus les Syriens», révèle M. Langis. Au premier chef, le problème de l’obtention d’un permis de conduire. S’entame un processus long et coûteux pour les immigrants. Bon nombre ne réussissent pas du premier coup l’examen.

«Ça fait un an que le gouvernement dit qu’il va revoir l’examen de la SAAQ et rien ne se passe», laisse tomber l’administrateur.

À ce problème s’ajoute le manque d’accompagnateurs bénévoles quand les candidats ont en main leur permis temporaire.

De surcroît, l’absence de circuits d’autobus dans le parc industriel a été maintes fois déplorée.

Enfin, soulignons que bien d’autres problématiques sont soulevées dans le rapport, dont l’accès aux services entravés par des facteurs culturels, l’éducation des enfants et l’interprétariat.

La suite?

Le 5 décembre dernier se tenait le Forum sur la valorisation de la diversité et la lutte contre la discrimination à Montréal au cours duquel des pistes de solutions ont été avancées, puis des décisions ont été prises. Lorsqu’annoncé, cet événement a surpris bien des organismes qui avait déjà entamé leur consultation, comme le RID.

«On croyait que ça se tiendrait après le dépôt de nos rapports de consultation afin qu’on les prennent en considération. C’est très curieux, c’est comme si ce que nous avions fait de notre côté, ça tombait à plat. J’ai envoyé un courriel à la personne responsable au ministère en début de semaine dernière et je n’ai pas encore eu de retour d’appel», expose Pierre Langis, membre du conseil d’administration du RID.

Partager cet article