L’accident qui a coûté la vie à quatre jeunes Drummondvillois le 10 octobre 2010 (10-10-10) n’est peut-être pas arrivé pour rien. Les faits et gestes de Carl Francoeur-Ouellette, Gabriel Savard, Alex Jutras-Lizotte et Jean-Benoît Pelletier avant la tragédie ont minutieusement été étudiés par le coroner Yvon Garneau, ce qui l’amène à émettre, dans le cadre de son rapport déposé mardi, d’importantes recommandations.
Avant que survienne l’accident mortel, ces quatre étudiants, âgés entre 18 et 22 ans, faisaient la fête, la soirée du 9 octobre 2010, au domicile de l’un de leurs amis.
Selon l’enquête menée par la Sûreté du Québec, tous les amis se sont amusés à un jeu bien connu d’origine américaine s’appelant le «bière-pong» qui, par la compétition, encourage la consommation d’alcool.
Des amis interrogés par la suite ont rapporté que l’ambiance était à la fête, si bien que la plupart des jeunes se trouvaient dans un état d’ébriété avancé.
Quand est venu le temps aux fêtards de rentrer chez eux, vers 3 h 15, Gabriel Savard, Alex Jutras-Lizotte et Jean-Benoît Pelletier, âgés entre 17 et 19 ans, se trouvaient déjà assis dans un véhicule à titre de passagers. Or, lorsque le conducteur a voulu quitter les lieux, Carl Francoeur-Ouellette a suggéré aux trois passagers d’embarquer avec lui pour sauver du temps. Il disait s’en aller dans la même direction qu’eux.
«Sans hésiter, les trois passagers sont descendus du premier véhicule «choisi» pour embarquer dans celui conduit par Carl Francoeur-Ouellette», est-il inscrit dans le rapport.
Vers 3 h 30, ce dernier conduisait un véhicule de marque Oldsmobile Cutlass 1990 sur le boulevard Mercure à Drummondville, en direction Nord, lorsqu’il a fait un dépassement, à haute vitesse, d’un autre véhicule conduit par l’un des amis de la fête, parti quelques secondes auparavant.
Devant s’arrêter quelques instants pour déposer un ami, ce dernier a perdu de vue Carl Francoeur-Ouellette. Toutefois, quelques instants plus tard, des témoins ont aperçu arriver à très grande vitesse la Oldsmobile en question, qui a dérapé dans une courbe et a heurté violemment un arbre situé sur un terrain privé. Les services d’urgence ont aussitôt été contactés.
«De cet impact foudroyant, il n’y aura malheureusement aucun survivant. Carl Francoeur-Ouellette est décédé sur le coup, son corps ayant été à demi éjecté du véhicule qu’il conduisait. Rien n’indique qu’il portait assurément sa ceinture de sécurité», peut-on lire dans le rapport du coroner.
Des témoins ont quand même été capables de prendre les signes vitaux des occupants pour constater que, finalement, le dernier souffle pour deux d’entre eux était déjà rendu.
Comme les pompiers ont dû désincarcérer les trois passagers en question de l’habitacle, les constats de décès ont été faits un peu plus tard par le médecin de l’urgence du CSSS Drummond.
Le conducteur était en état d’ébriété
Selon M. Garneau, plusieurs facteurs ont contribué à cet accident mortel : la vitesse excessive, les facultés affaiblies par l’alcool et la grande témérité.
Avant de s’immobiliser, le véhicule a dérapé sur plus de 70 mètres, ce qui suggère une grande vitesse, estimée à environ 140 km/h dans une zone de 50 km/h. L’alcoolémie de M. Francoeur-Ouellette au moment de l’accident était près de deux fois la valeur maximale permise. «L’accident a eu lieu en plein milieu de la nuit, ce qui est propice à des étourderies de toutes sortes, surtout entre très jeunes hommes prenant place dans un même véhicule», communique le coroner.
Selon le coroner, certains messages ne passent toujours pas, d’autant plus que son investigation ne concerne qu’un groupe de conducteurs impliqués dans trop de cas d’accidents mortels.
«Une réalité désolante qui interpelle ceux qui sont concernés par la sécurité routière. En un mot, la nuit ne semble pas porter conseil aux jeunes conducteurs. Avec une telle hécatombe, je crois qu’il serait certainement justifié pour le législateur d’imposer un couvre-feu nocturne aux jeunes conducteurs de 16 à 22 ans», commente M. Garneau, informant qu’en Ontario, le couvre-feu de minuit à 5 h est imposé à certaines des catégories de permis de conduire.
«Les jeunes âgés de 16 à 24 ans sont responsables de près d’un excès de vitesse sur deux et, bien pire encore, ils se font coller 34 % de toutes les contraventions liées aux grands excès de vitesse. Ces statistiques sont les dernières publiées par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Il faut encore se rappeler que cet automne, l’actualité était à l’effet que même s’ils ne détiennent que 10 % des permis de conduire en circulation au Québec, les jeunes de 16 à 24 ans sont impliqués dans 24 % des accidents avec blessés», est-il spécifié dans le document.
À ce jour, au Québec, il y a plus de 100 décès chez les conducteurs âgés de 16 à 24 ans seulement pour l’année 2010. D’ailleurs, en 2009 la SAAQ dénombrait 139 conducteurs âgés de 16 à 24 ans impliqués dans des accidents entrainant des blessures mortelles.
«Il faut, à tout prix, que l’on intervienne en tant que société responsable pour que s’arrête ici ce fléau de pertes de jeunes vies humaines», conclut M. Garneau.
Les recommandations feront jaser
-Que la SAAQ modifie le Code de la sécurité routière afin d’imposer un couvre-feu entre minuit et 5 h pour les conducteurs âgés de 24 ans et moins, sauf toutes les exceptions à prévoir, notamment celles du travail et des études; ou à défaut, d’assujettir l’obtention d’un permis probatoire à un couvre-feu entre minuit et 5 h en s’inspirant des dispositions législatives de l’Ontario et d’étudier l’opportunité d’étendre ce couvre-feu à d’autres catégories de jeunes conducteurs.
-Que Transports Canada poursuive ses efforts en vue de rendre obligatoires les antidémarreurs éthylométriques sur tous les véhicules neufs vendus au Canada.
-Que Transports Canada poursuive ses études sur les dispositifs limitant la vitesse sur les véhicules, en vue de rendre ceux-ci obligatoires sur tous les véhicules neufs vendus au Canada.
-Que le ministère de l’Éducation intègre des cours de sensibilisation à la sécurité routière dès la 6e année du primaire et tout au long du secondaire.
-Que la SAAQ sensibilise les passagers au danger de monter dans un véhicule conduit par une personne en état d’ébriété.