Atteinte de schizophrénie depuis de nombreuses années, Madeleine Gauron, 76 ans, a été admise à l’hôpital Sainte-Croix le 25 juin dernier pour un abcès à une dent. Soulagés de savoir que la dame allait bien se remettre de ce mal, Lyne Poitras et Normand Picard, les aidants naturels, n’avaient jamais imaginé qu’ils devraient, 24 heures plus tard, réunir tous les membres de la famille pour discuter de la possibilité de donner les organes de leur protégée.
Vendredi matin, Lyne Poitras, la belle-fille de Mme Gauron, vivait encore de grandes émotions en lien avec cet événement, qui les a littéralement ravagés.
«Ma belle-mère a habité durant 15 ans dans un centre spécialisé et il y a un an, mon mari et moi avons décidé de la sortir de cet endroit et de lui offrir une belle qualité de vie, chez nous, dans notre maison. Nous la sortons régulièrement et nous lui donnons toute l’attention qu’elle mérite. On n’avait pas le droit de lui enlever tout ça…», a-t-elle exprimé à l’auteure de ces lignes.
Madeleine Gauron est atteinte de schizophrénie depuis 15 ans. Selon sa belle-fille, la dame a bel et bien des limitations intellectuelles, mais encadrée telle une enfant, elle est en mesure d’avoir une vie bien remplie.
«Nos déboires ont commencé samedi dernier, explique-t-elle. Ma belle-mère était très enflée au niveau du cou et elle avait de la difficulté à manger. Je lui ai donc préparé de la nourriture liquide. Vu que ça ne se passait pas, j’ai décidé de l’amener à l’urgence samedi soir et, rapidement, on a diagnostiqué un abcès à une dent. Un médecin de l’urgence a fait une petite incision (drainage) et elle a reçu un antibiotique par intraveineuse. On nous a dit qu’elle pourrait sortir de l’hôpital le dimanche matin (26 juin) si tout se passait bien.»
De toute évidence, rien ne s’est bien passé, car au lieu d’aller chercher la dame le dimanche, le couple a plutôt reçu un appel d’une employée du centre hospitalier, vers 15h, l’informant de réunir rapidement tous les membres de la famille.
Madeleine Gauron était dans le coma.
Estomaqué, Normand Picard se précipite à l’hôpital et apprend, de la bouche du médecin traitant de sa mère, que celle-ci est morte cérébralement. Il n’en croit rien.
En posant des questions au médecin, il apprend qu’on a donné à sa mère de la nourriture en morceaux alors que sa condition ne le permettait pas depuis des années et qu’elle a été laissée sans surveillance durant son repas. La dame s’est étouffée.
«Le médecin traitant a admis les erreurs devant nous et tout de suite après, il nous a demandé de réfléchir à la possibilité du don d’organes. Il a beaucoup insisté sur la qualité de ses yeux. Il nous martelait que, de toute façon, elle resterait légume et que ça serait difficile étant donné sa schizophrénie», a raconté Mme Poitras, en jetant un œil sur la chambre vide de sa protégée.
Jugeant la situation irréaliste, le couple a décidé de mettre de côté la question du don d’organes, insisté pour que la dame subisse un examen au cerveau pour s’assurer qu’elle soit véritablement décédée et exigé la mise en place d’un soluté.
«Le médecin a refusé catégoriquement de faire passer un "scan" à Mme Gauron. Il nous a répété qu’il valait mieux tout arrêter ça…», a poursuivi la belle-fille.
Le lendemain, soit le lundi, le couple épuisé décide d’appeler à l’hôpital pour s’informer de l’état de santé de la septuagénaire. C’est à ce moment qu’il apprend que la dame est sortie du coma.
«On n’en revenait pas. Et mardi, elle s’est assise dans son lit et elle a mangé un yogourt! Elle n’était pas morte. Si on avait décidé de donner ses organes, on l’aurait tuée…»
Assurant qu’ils ne sont pas contre le principe du don d’organes, lorsque des analyses médicales prouvent hors de tout doute le décès d’une personne, le couple Poitras-Picard se dit aujourd’hui réellement amer par sa dernière expérience à l’hôpital.
«Ça n’a pas d’allure de traiter les gens comme ça. Même si elle a 76 ans et qu’elle est malade, elle n’avait pas à subir tout cela», a insisté Mme Poitras.
D’ailleurs, le couple a enclenché des démarches pour poursuivre l’hôpital et le médecin traitant. Une plainte formelle sera aussi déposée au centre hospitalier, d’ici quelques jours.
«C’est sûr qu’on ne peut pas rien faire dans une telle situation», a-t-elle terminé.