SANTÉ. Difficile pour François Champagne, chef de l’urgence de l’hôpital Sainte-Croix de Drummondville, de dire si la situation à l’hôpital s’améliorera avec la venue de la méga structure qu’est le CIUSSS-MCQ. Pour l’instant, tout semble bloqué. «Il n’y a plus aucune décision qui se prend (…) On n’est pas capables de s’organiser parce qu’il n’y a rien qui descend d’en haut.»
La nouvelle structure gouvernementale se met tranquillement en place, à un point tel que Dr Champagne ne sait toujours pas si son titre officiel est chef de l’urgence. C’est le poste qu’il occupait avant l’arrivée du CIUSSS-MCQ le 1er avril 2015. Un an plus tard, avec toute la réorganisation qui secoue le milieu de la santé, il ne sait toujours pas quel sera son titre exact.
François Champagne explique que chaque établissement avait, jusqu’à l’arrivée de la méga structure, ses propres règlements et son propre fonctionnement. «Si tu prends X départements de médecine générale, tu fusionnes tout ça en un seul (comme le prévoit la réforme Barrette), il faut tout harmoniser et faire un règlement pour décider comment ça va fonctionner partout», explique Dr Champagne pour illustrer la lourdeur de la tâche.
Les congés de maladie et de maternité, le nombre de quarts de travail à faire à l’urgence pour chaque professionnel, les obligations des médecins… la liste est longue des uniformisations à apporter. Tous les règlements sont à réécrire. «Ça fait un an que ç’a été fusionné et on n’a toujours pas les règlements», ajoute-t-il.
Selon lui, cette situation de zone grise est la même à l’urgence, en médecine générale et en médecine spécialisée. «Toute l’organisation locale est chamboulée. Ici, on n’avait pas de département de médecine d’urgence. On avait un département de médecine générale, et à l’intérieur de ça, il y avait le service d’hospitalisation et le service d’urgence. On était comme ensemble. Là, c’est complètement séparé. Il y a la médecine générale et la médecine d’urgence. Techniquement, avec l’organisation qu’on avait avant, on s’organisait bien avec les autres médecins; on se parlait. Quand il manquait de monde à l’étage, on leur envoyait du monde de l’urgence pour leur donner un coup de main, ou l’inverse. On ne pourra plus faire ça.»
Pour l’instant, nuance-t-il, les départements à l’intérieur de l’hôpital continuent de coordonner leur quotidien ensemble puisque l’uniformisation n’est pas encore terminée.
Nominations
Les chefs des départements régionaux ont été nommés, mais ceux du niveau local ne le seraient pas encore. «Quand j’écris une lettre à quelqu’un, je ne sais plus s’il faut que je signe en tant que chef de l’urgence du CSSS Drummond comme j’étais avant ou comme adjoint du chef de celui de la Mauricie-Centre-du-Québec. Officiellement, je n’ai même plus de poste», lance François Champagne.
Il déplore aussi que le ministre Barrette ait créé le poste de chef de département de chaque CIUSSS sans nécessairement débloquer un montant pour défrayer ce salaire. «Il crée un poste qui a une méchante grosse job de gérer les départements de tous les hôpitaux, mais il n’y a pas une cenne qui vient avec. Donc le salaire doit être pigé dans les poches des adjoints (anciens chefs des CSSS).» Le salaire de chef adjoint sera donc moindre que celui de l’ancien poste de chef local. Selon Dr Champagne, seules quelques petites tâches leur seront retirées, mais la plupart des tâches que le grand chef accomplira ne faisait pas partie de la liste des responsabilités des chefs locaux. «Mais la poutine locale, le chef ne pourra pas la faire. Si un médecin ne rentre pas parce qu’il a une gastro, est-ce lui qui va tenter de lui trouver un remplaçant à la dernière minute? Non. Lorsqu’il y aura des conflits entre deux départements au sein de l’hôpital, est-ce lui qui viendra régler le problème? Non. 95 % de ma job va rester ma job, mais il aura une partie de mon salaire.»
Il souligne que la personne nommée à l’échelle régionale ne pourra pas gérer le quotidien de chaque point de service. Dr Champagne cite aussi en exemple le responsable de la cafétéria. «C’est bien beau de couper des postes, mais il y a un travail local qui devra se faire pareil»
Selon le chef de l’urgence, il y a une grande rotation des gens sur les postes régionaux depuis la création du CIUSSS. Plusieurs auraient démissionné en raison de la lourdeur de la tâche. Il craint qu’une rotation se fasse aussi sentir localement. «Et si le chef change chaque année, il n’y a rien qui avance. Quand j’ai commencé comme chef, ça m’a pris un an ou deux juste pour comprendre le fonctionnement de l’hôpital et mettre le nez dans tous les dossiers», témoigne celui qui dirige l’urgence de Drummondville depuis 10 ans.
Les coupures
D’après Dr Champagne, les coupures n’ont pas encore eu beaucoup d’impact à l’urgence de Drummondville. Il est toutefois question de couper un poste d’infirmière dont l’une des tâches est de s’occuper du suivi des patients si ceux-ci doivent être contactés une fois qu’ils sont de retour à la maison. «Qui fera le suivi de ces patients-là? Les médecins devront prendre le téléphone, au lieu de s’occuper des patients qui sont dans la salle d’attente à l’urgence.»
Sans que cela soit directement liée aux coupures, mais davantage à la restructuration, la plus grande perte liée aux décisions du ministre Barrette est le départ de la secrétaire du CMDP. (Voir autre texte.) «Elle était au courant de tout, dans tous les départements.» Comme elle travaillait à contrat et qu’elle était embauchée par le CMDP, elle a été remplacée par une autre personne qui, elle, est embauchée par le CIUSSS.